Le choix du régime matrimonial, une question de patrimoine

Un choix déterminant
Avant de se marier, il est fortement conseillé aux futurs époux de s’interroger sur le régime matrimonial pour lequel ils souhaitent opter. Cette question déterminera leur rapports patrimoniaux et aura donc des conséquences importantes sur leur quotidien mais aussi en cas de décès de l’un des époux ou de séparation.
Le Code civil prévoit que les époux peuvent choisir « comme ils le jugent » la manière dont sera régie leur union conjugale. S’ils souhaitent mettre leurs biens en commun, ils devront choisir un régime dit « communautaire ». A l’inverse, s’ils désirent conserver un patrimoine propre, le couple devra s’orienter vers un régime matrimonial dit « séparatiste ». Le choix des époux se fera en considération des conséquences matérielles et financières que le couple recherche et notamment en prenant en compte les conséquences de la dissolution du régime.
I. Le choix du régime matrimonial
A. Les points communs à tous les régimes
Quel que soit le régime matrimonial choisi, tous les époux sont soumis à certaines règles communes. C’est ce qu’on appelle « le régime primaire impératif ». Ainsi tous les époux se doivent respect, fidélité, secours et assistance. Ils s’obligent aussi, entre autres, à participer de façon égalitaire aux charges du ménages et à l’éducation des enfants s’ils en ont. De plus, quel que soit le régime matrimonial, chacun des époux est tenu de rembourser les dettes contractées par l’un ou l’autre des époux pour l’entretien du ménage sauf hypothèses particulières comme par exemple la conclusion par un époux d’un ou plusieurs contrats à la consommation excessifs.
De plus, des clauses non prévues par la loi sont toujours possibles dans n’importe quel régime. Il est tout à fait possible de prévoir des clauses particulières dans un contrat de mariage et ce, quelque soit le régime choisi afin d’avantager un époux et adapter le régime à la situation conjugale. Ainsi, par exemple, les époux peuvent convenir que l’un participera plus aux charges ménagères que l’autre ou encore que lors de la dissolution, un époux récupère un bien en particulier.
B. Les régimes communautaires : la mise en commun des patrimoines
Les époux peuvent décider que leurs biens soient mis en commun. Une « communauté » est alors créée qui regroupe tous les biens du couple et chacun des époux dispose des mêmes droits sur ces biens. Il est donc important de bien savoir quels biens sont communs aux époux et quels biens ne le sont pas afin d’éviter tout contentieux. Le Code civil prévoit trois régimes communautaires : la communauté réduite aux acquêts, la communauté de meubles et acquêts et communauté universelle.
La communauté réduite aux acquêts est le régime matrimonial le plus commun car c’est celui auquel sont soumis en principe tous les couples mariés qui n’ont fait aucun contrat de mariage. Il s’agit du régime légal. Dans ce régime, toutes les acquisitions faites par les époux ensemble ou séparément sont communs, même les salaires. Plus encore, les biens acquis avant le mariage sont présumés comme étant commun sauf preuve contraire. C’est pourquoi il est recommandé de bien déterminer quel bien appartient à quel époux avant le mariage. Toutefois, certains biens restent toujours propres à chaque époux même acquis en cours du mariage. Il en va ainsi des vêtements, sauf exception des instruments de travail nécessaires à la profession d’un époux ou encore des biens hérités. Des problématiques peuvent se révéler au moment de la vente du bien hérité car le bien acheté avec le prix de cette vente peut être considéré comme commun aux deux époux. A cet égard, il est conseillé de se rapprocher d’un avocat afin d’éviter une telle situation. Enfin, les époux doivent répondre des dettes contractées par l’autre, sauf hypothèses particulières.
Les autres régimes communautaires sont au nombre de deux : la communauté de meubles et d’acquêts et la communauté universelle. Ils doivent être prévus par contrat.
Dans le régime de communauté de meubles et d’acquêts, les époux mettent en commun tous les meubles (armoires, parts sociales, animaux, etc.) qu’ils avaient acquis avant le mariage en plus de mettre en commun ceux qu’ils acquièrent au cours du mariage. Les vêtements et d’autres biens par nature personnels restent propres à chaque époux et ne tombent pas dans la communauté. Concernant les dettes, les dettes mobilières actuelles comme futures sont supportées par la communauté.
Dans la communauté universelle, les époux mettent en plus en commun les immeubles (maison, garage, terrain, etc.) acquis avant le mariage. Comme dans les autres régimes communautaires, les vêtements et autres biens par nature personnels restent propres à chaque époux. Dans ce régime, la communauté supporte les dettes actuelles et futures de chaque époux.
Le choix de ces deux derniers régimes doit être fait avec prudence et sous le conseil d’un avocat afin d’être certain qu’il convient bien à la situation des époux. Ces régimes sont particulièrement adaptés pour les couples souhaitant préparer leur succession et qui souhaitent éviter certains désagréments du droit des successions.
C. Le régime séparatiste : l’indépendance des patrimoines
A côté des régimes communautaires, existe le régime séparatiste. Comme son nom l’indique, les époux ne mettent pas ici leur bien en commun mais conservent deux patrimoines bien distincts. Il s’agit du régime de séparation de bien.
Le régime de la séparation de biens prévoit tout simplement que les époux stipulent dans un contrat de mariage que chacun d’eux conserve l’administration et la libre disposition de ses biens personnels acquis avant et pendant le mariage. Les époux n’ont donc aucun droit sur les biens de l’autre. Toutefois, la vie en couple peut amener les époux à créer un compte joint et à acheter des biens en indivision. Ces opérations peuvent être sources de discorde pendant le mariage ou au moment de sa dissolution car elles rendent peu claire la propriété des sommes d’argent sur le compte joint ou des biens indivis. Concernant les dettes, chacun des époux est tenus de ses dettes personnellement contractées contrairement aux régimes communautaires. Toutefois, concernant les dettes ménagères, celles-ci sont en principe communes sauf exceptions.
Ce régime est particulièrement bien adapté aux entrepreneurs à responsabilité illimitée, c’est-à-dire les entrepreneurs dont l’actif du patrimoine personnel peut être utilisé par les créanciers professionnels pour payer les dettes contractées dans l’exercice de sa profession. En effet, un régime séparatiste limite le droit de gage des créanciers qui doivent alors se limiter au seul patrimoine de l’entrepreneur sans pouvoir se tourner vers un quelconque patrimoine commun.
D. Le régime hybride : entre indépendance et mise en commun des patrimoines
Le régime de la participation aux acquêts est un entre-deux entre la séparation de biens et la communauté réduites aux acquêts. Il doit être prévu par un contrat. Pendant le mariage, tout se passe comme si les époux étaient mariés sous un régime de séparation de biens. Mais lors de la dissolution du mariage, les époux ont droit à une somme égale à la moitié des acquisitions réalisées par l’autre. La valeur de ces acquisitions est égale à la différence entre le patrimoine final et le patrimoine originaire. Par exemple, si un époux avait un patrimoine de 15 000 € et qu’il obtient, à la fin du mariage, un patrimoine de 30 000 €, l’autre conjoint sera en droit de demander la différence divisée par deux soit (30 000 – 15 000)/2 = 7 500 €. En cas de différence nulle ou négative, la perte est totalement assumée par l’époux débiteur. Ce régime matrimonial est adapté aux couples souhaitant conserver une certaine autonomie au court de leur vie tout en désirant faire reconnaître au moment de la dissolution du mariage la réalité de leur communauté de vie et les résultats de leurs efforts communs ou séparé.
Comme pour la séparation de biens, ce régime est adapté aux entrepreneurs à responsabilité illimitée. De plus, il permet en cas de décès de l’un des deux époux d’offrir une certaine protection financière au conjoint survivant que ne permet pas le régime de séparation de biens.
II. La modification du régime matrimonial.
Depuis le 23 mars 2019, les époux peuvent changer à tout moment de régime matrimonial et passer, par exemple d’un régime communautaire à un régime séparatiste ou inversement. Les époux peuvent encore choisir d’abandonner le régime de la communauté réduite aux acquêts pour la communauté universelle. La modification du régime matrimonial peut aussi être l’occasion d’ajouter des clauses particulières afin d’offrir un avantage matrimonial à l’un ou l’autre des époux. Lors d’un changement de régime matrimonial, un avocat peut conseiller les époux afin de choisir au mieux le régime qui convient à leur nouvelle situation conjugale.
III. La dissolution du régime matrimonial.
Le mariage peut se dissoudre soit par la mort de l’un des époux, soit par le divorce. Lorsque le régime matrimonial est dissout, les biens propres sont recouvrés par les époux propriétaires et les biens communs ou indivis sont partagés en principe à parts égales entre les deux conjoints.
A. La reprise des biens propres
Dans un premier temps, et dans tous les régimes matrimoniaux, les biens propres sont recouvrés par leur propriétaire. Il convient donc de déterminer quels biens appartiennent à quel époux. Contrairement aux biens communs ou indivis, les biens propres ne sont pas partagés entre les époux au moment de la dissolution. C’est pourquoi il peut être intéressant de faire reconnaître la propriété exclusive sur un bien. Les biens qui sont propres dépendent du choix du régime matrimonial qui a été fait. Ainsi, dans l’hypothèse d’un régime en séparation de biens la majorité des biens sont propres alors que dans l’hypothèse d’une communauté universelle, la quasi-totalité des biens sont communs (voir Les choix du régime matrimonial). La détermination de la propriété d’un bien est une grande source de conflit, il est alors vivement conseillé de se rapprocher d’un avocat afin d’éviter de se faire léser.
Evidemment, chaque époux recouvre aussi les dettes qu’il a personnellement contracté.
B. Le partage des dettes et des biens communs ou indivis
Dans un second temps, il est nécessaire de partager les dettes et les biens communs ou indivis entre les deux époux, à parts égales en principe.
Dans les régimes communautaires, avant de partager les dettes et les biens communs, la loi prévoit que doivent être listées les « récompenses ». Pour le dire simplement, un époux doit récompense à la communauté lorsqu’il s’est enrichi par le biais d’un bien commun. Inversement, lorsque la communauté s’est enrichie grâce à un bien propre d’un des époux, cet époux a le droit à récompense. Concrètement, la récompense se matérialise généralement par une somme d’argent. Par exemple, si les fonds de la communauté ont servi à restaurer un bien propre comme la maison propre d’un époux, ce dernier s’est enrichi grâce à la communauté et doit ainsi rembourser à la communauté la plus-value.
Une fois que les récompenses ont été calculées, les biens communs et les dettes communes sont partagés à parts égales entre les époux dans le cadre d’un divorce sauf clause contraire. Dans l’hypothèse d’un décès, le conjoint survivant a droit à la moitié des biens communs, et le reste des biens communs tombent dans la succession qui sera partagée entre les différents héritiers (époux survivant, parents, enfants, etc.).
Dans les régimes séparatistes, la communauté n’a pas à être partagée puisqu’il n’y en a pas. Toutefois, les époux séparés de biens achètent généralement des biens en indivision comme c’est souvent le cas pour le domicile. Si les époux n’ont pas de titre permettant de démontrer la part investie dans le bien, le bien est présumé appartenir par moitié à chacun d’eux. Ils récupèrent alors chacun la moitié du bien. On retrouve, dans le cadre de la dissolution d’un régime séparatiste, une philosophie proche des récompenses dans les régimes communautaires. En effet, lorsqu’un époux s’est appauvri au profit de l’autre (par exemple l’aide bénévole dans l’entreprise de son époux), il est en droit de demander une indemnisation.
Que ce soit pour le choix d’un régime matrimonial ou une éventuelle modification, le conseil d’un avocat est recommandé. Il est généralement obligatoire en cas de divorce.
Maxime DUBOIS – AVOCAT
Baptiste GARREAU – STAGIAIRE